L’interview sans filtre de Stéphane Vignon, l’électron libre de la Champagne

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Nous ce qu’on aime à la rédac’ chez Grappers, ce sont les personnalités authentiques, les vignerons au franc parler et les « no time for small talks » qui répondent à toutes les questions, surtout à celles qui fâchent, avec l’envie de faire avancer les choses. Cette semaine, nous sommes donc partis à la rencontre de Stéphane Vignon, un personnage à l’humour incisif qui porte un regard sans filtre sur son environnement et les challenges du moment. Allez c’est parti !

Grappers : Hello Stéphane, pourrais-tu stp te présenter brièvement à notre communauté ?

SV : Hello la Grappers Family, je dirai que je suis avant tout un bon vivant, un épicurien et un terroiriste pure souche qui assume son franc parler.

Grappers : As-tu un exemple à nous partager ?

SV : Connaissez-vous la différence entre les « grandes » Maisons et les « petits » Vignerons ? Nous aurons toujours besoin des « grandes » Maisons mais si ces dernières ont des actions en bourse, les « petits » Vignerons, eux, ont toujours les bourses en action !

Grappers : As-tu toujours été vigneron ou as-tu eu d’autres amours ?

SV : Mon arrivée sur le Domaine a toujours été convenu avec mes parents… sauf qu’au départ il n’y avait pas de place pour moi. J’ai donc commencé par expérimenter d’autres métiers autour du vin et de la gastronomie avant de devenir vigneron. C’est la meilleure chose qui me soit arrivée. Il n’y a rien de plus formateur que l’ailleurs.

Je suis un grand passionné de vin qui a toujours aimé débusquer les pépites. Je suis donc devenu caviste (ndlr : Stéphane a été référencé dans la Revue des Vins de France). J’ai également fondé des clubs de dégustation et été formateur dans des écoles hôtelières. J’apprenais à mes élèves à raconter le vin avant de le décortiquer de manière technique et factuelle. Hormis pour les gens du métier, est-il vraiment intéressant de savoir que le vin, que l’on déguste, exhale des arômes empyreumatiques ? Moi perso, ça m’ennuie.

Grappers : Qu’est-ce que la COVID-19 a changé dans ton métier ?

SV : La pandémie a changé beaucoup de chose dans nos métiers et je pense que c’est loin d’être fini. Elle est venue accélérer la pression que certains acteurs mettaient déjà sur nous Vignerons. Avec un rendement à 8 000 kg/hectare cueillis en 2020, le Comité Champagne a sauvé certains Négociants et Coopérateurs mais pas les Vignerons. On entendait souvent parler d’une Champagne tripartite (ndlr : Maisons, Coopératives et Vignerons), là avec ce genre de décisions on se dirige désormais vers une Champagne bipartite. Il faut arrêter le politiquement ou le médiatiquement correct.

Grappers : Quelle facette de ton métier préfères-tu ?

SV : J’aime beaucoup être au chai et suivre assidûment l’évolution de mes vins. Je travaille sur lies, il est donc essentiel pour moi d’évaluer leur présence à chaque étape de l’élevage. J’ai également fait le choix de l’exigence. La majorité de mes vins sont vinifiés séparément dans 3 fûts différents (un récent, un plus vieux et un d’âge intermédiaire) qui proviennent de mes parcelles forestières également situées à Verzenay. Il y a une vraie résonance entre le vin et le bois. Cette alchimie « terroir sur terroir » me permet d’élaborer des parcellaires, millésimés, dosés en Extra-Brut dans une philosophie peu interventionniste.

Grappers : Qu’entends-tu par-là ?

SV : Nous sommes juste de passage sur Terre. Le terroir de Verzenay a 200 millions d’années. Il a déjà servi quelques générations de vignerons avant moi, j’espère qu’il en servira encore beaucoup d’autres. J’estime que je suis uniquement là pour guider le vin, la Nature décidant toujours.

Grappers : Quelle signature le duo Vignon/Verzenay offre-t-il aux vins ?

SV : De la puissance, de la minéralité, de l’acidité, du caractère et bien sûr un beau fruit en toile de fond. Ce terroir sert d’ailleurs régulièrement de colonne vertébrale aux assemblages des « grandes » Maisons.

Grappers : Comment bichonnes-tu ton vignoble ?

SV : J’ai toujours été très proche et respectueux de la nature. Nos 6,70 hectares ont toujours été travaillés dans ce sens.  Une certification en viticulture durable est en cours (ndlr : HVE). J’ai également presque 2 hectares qui sont travaillés en bio.  J’ai été un des premiers à respecter le cahier des charges mais je ne peux pas le revendiquer officiellement car je ne me suis pas encore occupé de l’administratif. En Champagne, comme dans beaucoup de secteurs en France, on crève sous l’administratif…

Grappers : Le débat sur les vignes semi-larges, tu en penses quoi ?

SV : L’objectif évident que personne ne « veut » voir, c’est que les vignes semi-larges vont appuyer l’extension de l’appellation, des terres achetées par le Négoce et les Coopératives. Mais avant tout, on cherche à industrialiser la Champagne de toute part et à sacrifier la qualité sur l’autel de la rentabilité. Emprunter cette voie, c’est tirer la Champagne vers le bas alors que notre vignoble est regardé par le monde entier. Nous devons au contraire le valoriser pour conserver notre aura.

En étant situé à la limite septentrionale de la culture de la vigne, la Champagne a souvent été accusée de vinifier des raisins pas tout à fait mûrs. Ce qui nous sauvait, c’était la concurrence entre les racines qui venaient puiser profondément dans les sols pour exprimer au mieux la typicité du terroir. Densifier la plantation pour apporter cette concurrence est d’ailleurs légion dans toutes les appellations et les terroirs qualitatifs français. Là, si on passe en vignes semi-larges, sous couvert d’adaptation aux changements climatiques, la donne va complètement changer.

Je me mets à la place du touriste à qui on vend l’unicité de notre vignoble et, qui une fois sur nos terres, ne verra plus la différence avec un vignoble italien. La Champagne, par le biais d’un SGV autocratique, est en passe de faire une connerie historique.

Grappers : Qu’est ce qui te fait vraiment kiffer dans la vie ?

SV : Je vibre pour des instants, des accords mets/vins iconiques dans leur simplicité. Il y a une vraie harmonie entre le Champagne et la gastronomie. Je suis certes membre de l’Académie Nationale de Cuisine, des Toques Françaises et des Disciples d’Escoffier, mais il n’y a pas toujours besoin d’aller dans un Restaurant étoilé pour avoir des étoiles plein les yeux ! A l’image des terroirs et des vignerons, la gastronomie est multiple.

Grappers : Une belle quille, c’est quoi pour toi ?

SV : Un vin qui pue l’amour et la passion, un vin où tu perçois clairement de A à Z le savoir-faire du vigneron et le rendu de son terroir. C’est mon côté vigneron indépendant, certes, mais il n’y a pas besoin d’être en Grand Cru pour faire un grand vin.

Grappers : Où peut-on retrouver tes Champagnes ?

SV : En vente directe à la propriété. Mais également dans des petits endroits qui valent le détour comme la Mer à Boire à Verzenay. Je travaille également beaucoup en CHR et avec quelques Chefs plutôt doués dans leur domaine (ndrl : les restaurants gastronomiques Fantin Latour à Grenoble ou L’Archeste à Paris). Très prochainement, le Chef étoilé, Baptiste Renouard, ancien candidat de l’émission Top Chef, s’apprête à concocter à ses invités un repas gastronomique complet autour de mes vins. Il utilisera notamment les sarments de mes vignes pour alimenter ses mini braseros japonais et proposera une glace Champagne dont lui seul a le secret.

Grappers : Insta t’en penses quoi ?

SV : Je suis présent sur Facebook, je débute sur Insta. Ce média a l’air vraiment sympa mais tout prend du temps et je ne peux pas être partout.

Grappers : Tu nous emmènerais où pour aller boire un verre ?

SV : Je vous emmènerai voir Baptiste, le propriétaire du Coq Rouge, rue Chanzy à Reims. On commanderait un grand vin du Languedoc : L’ESPRIT DE FONTCAUDE, le vin emblématique du Domaine Alain Chabanon. Baptiste partage les mêmes valeurs que moi à savoir l’amour des beaux produits. Je suis adepte de bonne chère et je peux vous dire que j’ai rarement mangé du jambon Pata Negra comme le sien.

Santé !

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