Interview : Les vignes semi-larges vues par Jean-Rémy et Paul-Alexandre Rapeneau

Grappers-Martel

Grappers a planché sur un sujet particulièrement brûlant en Champagne : les vignes semi-larges.
Ce nouveau mode de conduite du vignoble pourrait bien être officiellement inscrit dans le cahier des charges de l’AOC dès le 27 juillet prochain.
Pourquoi, alors qu’elles seront une option et non une obligation, la question des VSL divise-t-elle autant ? Viendrait-elle malgré elle raviver certaines tensions ?

Grappers a enquêté sur le sujet et a souhaité donner la parole aux protagonistes du Champagne.

Voici le point de vue « Maison » par Jean-Rémy et Paul-Alexandre Rapeneau du Groupe G.H. Martel & Cie à Reims.

Êtes-vous pour, neutre ou contre les vignes semi-larges ? 

C’est bien évidement une grande question car cela apporte un important changement à différents niveaux : historique, naturel et humain. Le changement est toujours un pari sur le long terme et comporte souvent des risques et des remises en question. Cependant, il y a un côté positif et l’évolution est importante pour perdurer dans l’excellence champenoise…
Voyons les points positifs : l’autorisation de ce mode de conduite en Champagne serait un levier collectif puissant permettant de répondre durablement aux défis environnementaux et sociétaux auxquels nous faisons face.
Les vignes semi-larges permettent notamment de faciliter l’entretien des sols à l’aide d’outils mécaniques et apportent une meilleure maîtrise de la bande enherbée entre les rangs. Cette maîtrise a un double intérêt puisqu’elle permet non seulement de limiter l’érosion et le tassement des sols en conditions pluvieuses (plus qu’illustrée au cours de cette année…), mais également de limiter la concurrence hydrique avec la vigne en période sèche.
Les vignes semi-larges se caractérisent par une surface foliaire inférieure à notre système classique en vignes étroites. Par conséquent, pour une même parcelle, nous utiliserons proportionnellement moins d’intrants. Ce mode de conduite permet de renforcer les efforts champenois entamés depuis de longues années vers la réduction des intrants.

 

À votre avis, pourquoi le débat sur les vignes semi-larges est-il aussi vif au sein de l’AOC ? 

Il est tout à fait normal d’avoir des questionnements face à des changements de cette taille. Le maintien d’un rendement suffisant et de la qualité organoleptique des vins font partie des préoccupations majeures et légitimes. Les expérimentations menées depuis plusieurs années en Champagne sont rassurantes et devront être confirmées après un développement à plus grande échelle. La replantation sera longue et progressive avec une coexistence des deux systèmes, c’est un travail de fond…
L’AOC est un gage de confiance pour nos consommateurs, rendu possible par un cahier des charges exigeant. Ce dernier doit évoluer avec son temps et la Champagne est le parfait exemple à ce sujet. En effet, dès la crise du phylloxera, l’Association Viticole Champenoise a permis de faire mûrir le progrès et la mise en place de la conduite en vignes étroites et non plus en foule. Plus tard, les Champenois ont réussi à mettre en place le système de réserve qualitative et la fixation annuelle des rendements tant enviés par les autres AOC.
C’est une décision collective mais qui sera prise de façon réfléchie pour le bien et l’avenir de tous en Champagne et du Champagne !

 

Les vignes semi-larges pourraient-elles remettre en cause l’identité champenoise ?

Le Champagne est un vin d’exception et doit le rester. C’est un héritage de nos terroirs et du savoir-faire des Champenois. Seulement, dans un monde viticole internationalisé, les vins d’exception de demain doivent également répondre aux enjeux sociaux et environnementaux.

 

Les vignes semi-larges pourraient-elles être un levier d’adaptation au changement climatique ?

À travers une meilleure maîtrise de l’entretien des sols, comme expliqué précédemment. Il semblerait également que les vignes semi-larges seraient, par leur hauteur, moins sensibles aux gels.
Nous avons ici un outil pour s’adapter au changement climatique mais comme tous les outils, à lui seul, il n’est rien face à l’ampleur du phénomène. C’est bien le vigneron qui, grâce à l’ensemble de ses choix, pourra s’adapter (choix du matériel végétal, entretien du sol, type de taille, palissage…)

 

Pour vous, les vignes semi-larges sont-elles plutôt synonymes de qualité ou de rentabilité ?

Qualité ! La qualité du Champagne ne se résume pas uniquement aux qualités organoleptiques (ô combien importantes), mais également à l’image du Champagne et par conséquent à son impact environnemental.

 

Certains articles expliquent que les vignes semi-larges permettraient de réduire les coûts de production de 20% et de pallier à la pénurie de main d’œuvre. Qu’en pensez-vous ? 

Les méthodes de travail sont évolutives en effet. On ne travaille plus de la même façon qu’il y a 50 ans, ou même 20 ans. L’amélioration du travail est toujours transversale au fil des années et des changements.
Nous essayons d’être beaucoup plus précis dans tous les domaines, et la spécialisation nous emmène à un travail d’expertise et de plus en plus qualifié. Ce niveau d’expertise a aussi un coût… Mais pour perdurer dans l’excellence, nous n’avons pas le choix, il faut investir de façon constante.

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