Interview : Les vignes semi-larges vues par Hervé Sanchez

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Grappers a planché sur un sujet particulièrement brûlant en Champagne : les vignes semi-larges.
Ce nouveau mode de conduite du vignoble pourrait bien être officiellement inscrit dans le cahier des charges de l’AOC dès le 27 juillet prochain.
Pourquoi, alors qu’elles seront une option et non une obligation, la question des VSL divise-t-elle autant ? Viendrait-elle malgré elle raviver certaines tensions ?

Grappers a enquêté sur le sujet et a souhaité donner la parole aux protagonistes du Champagne.

Voici le point de vue « Coopérative » par Hervé Sanchez, Président Champagne Paul Goerg à Vertus. 

Êtes-vous pour, neutre ou contre les vignes semi-larges ? 

Je suis pour les vignes semi-larges car c’est quelque chose qui va être « proposé » et non « imposé ». L’approche serait différente si cela était exigé.

 

À votre avis, pourquoi le débat sur les vignes semi-larges est-il aussi vif au sein de l’AOC ? 

C’est ce que j’ai du mal à comprendre. On sait que l’évolution des pratiques en Champagne a toujours été compliquée, mais si nos prédécesseurs n’avaient pas bougé, nous aurions toujours des vignes en foule de nos jours.
Nous sommes sur un vignoble assez différent d’un secteur à l’autre, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, donc forcément, les avis peuvent être différents. 

 

Les vignes semi-larges pourraient-elles remettre en cause l’identité champenoise ?

Non pas du tout. Je suis allé voir des vignes expérimentales à Bassuet et j’ai eu du mal à trouver la parcelle. Cela se fond complètement dans le paysage et l’identité n’est pas du tout remise en cause.

 

Les vignes semi-larges pourraient-elles être un levier d’adaptation au changement climatique ?

Les vignes semi-larges pourraient avoir des avantages importants, et encore plus cette année avec la pluviométrie. On sait qu’en changeant nos tracteurs, on pourra avoir des pulvés beaucoup plus performantes : on utiliserait moins de produits phytosanitaires d’une part, et on pourrait passer plus facilement qu’aujourd’hui. Le contexte d’origine des vignes semi-larges était d’enherber les vignes. Sur des routes totalement enherbées et avec des microtracteurs, il y aurait moins de soucis.
Le réchauffement climatique est sur tous les extrêmes : des températures très chaudes ou très mauvaises, comme actuellement, et je vois plutôt des points positifs à passer sur un système de vignes semi-larges. 

 

Pour vous, les vignes semi-larges sont-elles plutôt synonymes de qualité ou de rentabilité ?

Avant tout de qualité. L’expérimentation a montré qu’il n’y avait pas de différence entre une vigne classique et une vigne semi-large. C’est pourquoi j’ai du mal à comprendre qu’il y ait autant de polémique autour de ce dossier. On n’a jamais fait une étude aussi poussée que celle-ci. C’était une demande générale du vignoble. Aujourd’hui on a la réponse : on sait que qualitativement il n’y a pas de différence.
On parle souvent de pieds à l’hectare, mais ce n’est pas le point important. Dans la culture de la vigne, c’est bien la quantité de feuillage qui donne la qualité. Dans une vigne semi-large, on aura autant de feuillage. Donc pour moi, la qualité et la rentabilité restent égales.  

 

Certains articles expliquent que les vignes semi-larges permettraient de réduire les coûts de production de 20% et de pallier à la pénurie de main d’œuvre. Qu’en pensez-vous ? 

C’est un réel problème aujourd’hui. On a beaucoup de mal à trouver de la main d’œuvre pour le palissage, et même pour les vendanges. Et c’est un fait, moins de jeunes entrent dans les écoles. À court terme, il va y avoir un gros remplacement à faire sur l’échelle de la Champagne et c’est problématique. C’est aussi à nous de relancer un plan de communication sur les intérêts et les avantages et donner les côtés positifs de notre métier.
Le travail sera toujours là. Les coûts de production vont plutôt baisser sur les achats de tracteurs. Les tracteurs interlignes seront plus abordables que les enjambeurs actuels. Si on se base sur 5000 pieds/ha pour les vignes semi-larges, on n’est pas loin du nombre de pieds que l’on a actuellement dans la Côte de Blancs (7500 pieds/ha), alors que sur la Montagne de Reims on est plutôt à 10000. L’écart sera le même après.
Pour moi, il n’y aura pas d’économies au niveau de la main d’œuvre. Même si la problématique est bien là, c’est un autre sujet. À nous d’avoir une communication positive sur notre métier et ne pas voir que les inconvénients. 

 

Si le vignoble champenois finit par ressembler à tous les autres, où se trouveront nos éléments différenciants ?

Il n’y a du champagne qu’en Champagne. De par notre sol, nos terroirs, peu importe le secteur de l’AOC. Le sol ne bougera pas en fonction des vignes semi-larges.
Quelqu’un qui travaille bien aujourd’hui sur les vignes traditionnelles travaillera bien demain sur des vignes semi-larges. Et vice-versa. Les typicités sont différentes en fonction des crus, et on ne nous enlèvera jamais cela.
L’alternative des vignes semi-larges est intéressante. Et elle se fera principalement lors d’arrachage et de replantation. La Champagne doit se construire au fur et à mesure et évoluer. 

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