Interview : Les vignes semi-larges vues par Anselme Selosse

Grappers-Anselme-Selosse

Grappers a planché sur un sujet particulièrement brûlant en Champagne : les vignes semi-larges.
Ce nouveau mode de conduite du vignoble pourrait bien être officiellement inscrit dans le cahier des charges de l’AOC dès le 27 juillet prochain.
Pourquoi, alors qu’elles seront une option et non une obligation, la question des VSL divise-t-elle autant ? Viendrait-elle malgré elle raviver certaines tensions ?

Grappers a enquêté sur le sujet et a souhaité donner la parole aux protagonistes du Champagne.

Voici le point de vue « Vigneron » par Anselme Selosse : 

Êtes-vous pour, neutre ou contre les vignes semi-larges ? 

Je suis favorable à des techniques qui valorisent notre capital sol. Les vignes semi-larges proposent un itinéraire qui permet la séquestration de carbone et améliore l’activité microbiologique du sol. Mais ces vignes seront plantées pour plus de 50 ans et c’est uniquement à partir de 20 ans qu’une vigne a la capacité de communiquer à ses fruits la plus haute spécificité du lieu.
N’allons-nous pas trop vite pour inscrire cette pratique dans le cahier des charges ? N’allons-nous pas créer une viticulture champenoise à deux vitesses, où certains présenteront une version « organique » du Champagne, basée sur la photosynthèse, et d’autres une version « minérale », basée sur les sels minéraux spécifiques ?

 

À votre avis, pourquoi le débat sur les vignes semi-larges est-il aussi vif au sein de l’AOC ? 

Je pense que c’est la rapidité de la présentation – quelques mois seulement – et l’obligation donnée de répondre fin juillet qui font autant réagir.
Je pense également que l’opinion des vignerons éleveurs (ceux qui cultivent leurs vignes, qui sont attachés à la singularité des « jus » champenois et qui sont fiers de leur travail, tant dans leurs vignes que dans leur cave) n’est pas suffisamment exprimée, représentée et défendue dans ce débat. Ces derniers ne se sentent pas assez écoutés et soutenus. Ils ont l’impression que les valeurs qu’ils essayent de porter haut ne sont pas partagées par le SGV et qu’ils doivent subir en permanence un nivellement par le bas.

 

Les vignes semi-larges pourraient-elles remettre en cause l’identité champenoise ?

Nous ne pouvons pas affirmer cela, mais nous avons un doute, c’est pour cela que nous demandons du temps.
Notre premier devoir est de proposer des attributs uniques que personne ne retrouvera ailleurs dans le monde. Le vin de Champagne est un produit très rare et le lien entre le savoir du sol et les attributs du vin est très fragile. « Savoir » vient du mot « sève ». Il faut très peu de choses pour que cette sève soit standardisée et devienne « insipide », c’est-à-dire sans le caractère du lieu de naissance.
Il existe également, ne l’oublions pas, d’autres sujets comme la future arrivée des cépages hybrides dans le cahier des charges des AOC qui pourrait également changer la donne.

 

Les vignes semi-larges pourraient-elles être un levier d’adaptation au changement climatique ?

Ce n’est pas LA, mais une solution. Il nous faudrait choisir les moins mauvaises, celles qui respectent l’authenticité, la non-reproductibilité dans d’autres régions et celles qui montrent que c’est un produit d’exception avec des pratiques coûteuses et exceptionnelles.

 

Pour vous, les vignes semi-larges sont-elles plutôt synonymes de qualité ou de rentabilité ?

Sans avoir pratiqué, il nous semble évident que le prix de revient du kilo sera diminué. Les vignes semi-larges sont sans doute synonymes de qualité dans le sens de qualité environnementale, mais pour ce qui est de la qualité intrinsèque de notre région, nous avons des doutes.

 

Certains articles expliquent que les vignes semi-larges permettraient de réduire les coûts de production de 20% et de pallier à la pénurie de main d’œuvre. Qu’en pensez-vous ? 

Le manque de main d’œuvre peut avoir plusieurs origines. Déjà, la non reconnaissance de notre formation viticole comme élitiste. L’école de viticulture est souvent promise à ceux qui ne sont pas doués pour les études.
Ensuite, le manque d’engagement de certains employeurs qui demandent à leurs collaborateurs de travailler comme des robots, sans faire appel à leur sensibilité et à leur intelligence. En outre, le manque de passion ou le traitement économique du travail dans les vignes ne fait émerger que de rares vocations.

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